D’une
certaine manière, être devenu la mère de garçons a considérablement renforcé
mon féminisme.
N’en
déplaise aux anti-djendeurs (de mes fesses), l’ABCD de l’égalité, c’est
bénéficier des mêmes droits et des mêmes chances qu’on soit garçon ou fille ou
autre, mais c’est aussi de développer ses goûts personnels et effectuer ses
choix en fonction de ce qu’on aime et qui nous attire, indépendamment de ce que
la nature a mis entre nos jambes.
En tant
qu’individu de sexe féminin, j’ai pu constater personnellement depuis l’enfance
les limites que la société mets aux femmes : elles sont aujourd’hui
évidentes et reconnues (sauf par les décérébrés pour tous), la prochaine étape
est de les combattre (pour de vrai) : violences sexo-spécifique,
discrimination au travail, limitation de la liberté dans l’espace public,
atteinte à la liberté de disposer de son corps, j’en passe et des meilleures. Je
n’avais en réalité jamais pris la mesure des limitations et des violences
sexo-spécifiques que la société oppose aux individus de sexe masculin.
Etant donné
que je ne ponds que des garçons, passée la phase « je vais les élever dans
le respect des femmes et de l’égalité des sexes », comme si s’agissait de
petits antagonistes automatiquement destinés à opprimer les individus de sexe
dit féminin, j’ai dû me rendre à l’évidence : les petits garçons sont tout
particulièrement pressurisés par la société pour devenir de parfait petits
hommes, et vite sivôplé.
Cette
atteinte à leur identité de petites personnes en construction est d’une
violence absurde : sitôt sorti du berceau, un garçon doit adopter un comportement
d’homme, dénué de toute ambiguïté.
Si si
Messieurs-Dames, je vous assure, il ne se passe pas une semaine sans qu’on me
demande si je n’ai pas peur que mes fils deviennent homosexuels (et déjà c’est
quoi cette question…).
Pourquoi ?
- - Mes
deux garçons portent les cheveux longs.
-
- Certains
de leurs vêtements sont roses, violets, et horreur, parfois ils mettent des
barrettes. A PAILLETTES.
-
- Leur
jouet préféré pour sortir ? Des poussettes pour poupon. Sans poupon (pour
faire la course le poupon n’est apparemment pas pratique).
La deuxième
question est quasi invariablement « mais pourquoi vous ne leur coupez pas
les cheveux ? ».
Ben parce
qu’ils n’ont pas envie tiens ducon. Ils aiment leurs cheveux longs, j’aime
leurs cheveux longs (tellement lisses qu’ils n’y a jamais de nœuds, donc même
pas de raison « pratique » de les pousser à couper). C’est quoi cette
raison de merde, t’as pas envie mais coupe-toi les cheveux, t’as pas le droit
c’est réservé aux filles ? Ça rend homosexuel ? HEIN ? J’essaie
de leur apprendre des trucs utiles moi, pas de les rendre idiots à vie.
Mon aîné à 4
ans et demi. Oui à cet âge-là les demi ça compte, essayez pas d’oublier. C’est
à ce jour ma plus grande fierté de maman, qu’il ne soit pas encore contaminé
par la connerie ambiante. Oh ça va venir, je ne me fais pas d’illusions, mais
aujourd’hui il choisit encore ses habits indifféremment chez les filles ou chez
les garçons, il joue avec sa dinette ou ses dinosaures, il répond du tac-au-tac
« chuis pas une fille, chuis un garçon, et lui c’est mon petit
frère » aux 300 personnes par jour qui lui disent « bonjour
mademoiselle ».
Alors oui ça
commence, les copains à l’école qui disent « t’as des bottes de
fille », les « je veux pas de Hello Kitty c’est pour les
filles ». Que je corrige, patiemment, chaque jour. Que je reprends
systématiquement. Bien sûr qu’il aura besoin de se conformer à l’image que la
société renvoie, parce que c’est important aussi de se sentir « comme les
autres », mais il aura toujours un support, toujours une petite voix pour
lui dire qu’il a le droit de faire comme ça le rend heureux. Qu’on s’en fout
des autres. Qu’il est un petit garçon, quoi qu’il aime, quoi qu’il fasse, quels
que soit ses amours. Et que ça ne veut pas dire grand-chose, être un garçon ou
une fille. Il est drôlement triste de savoir qu’il n’aura pas de bébé dans son
ventre quand il sera grand.
J’ai mes
doutes aussi, quand il veut mettre sa jupe pour aller à l’école, j’ai peur de
la violence des autres, des regards, des jugements.
Il n’y a pas
de confusion, c’est ça que les gens ne comprennent pas : on peut être un
garçon et aimer le vernis à ongles, trouver les paillettes super jolies, et ne
pas comprendre pourquoi on n’a pas le droit d’avoir ces choses comme les
copines.
Bien que
globalement dans la société aujourd’hui les femmes adultes soient flouées au
profit des hommes, j’ai cette impression persistante que dans la petite enfance
c’est l’inverse (dans nos pays développés). Loin de moi l’idée de hiérarchiser
les injustices, comme truc inutile ça se pose là.
Quand une
petite fille adopte des attitudes, comportements, goûts jugés masculins
(vêtements pas à la mode, cheveux courts, grimper aux arbres, jouer aux
pompiers etc), on va la qualifier de garçon manqué, et malgré tout le ridicule
de ce terme, il n’est pas (plus) péjoratif. C’est presque une qualité, garçon
manqué, c’est une fille qui n’a pas peur, qui force l’admiration, qui n’est pas
superficielle (ça lui sera reproché plus tard, mais pas encore si tôt).
A l’inverse,
un garçon qui aime le rose, qui pleure quand il est triste, qui veut se
déguiser en princesse, qui préfère lire que jouer au ballon, on se pose tout de
suite la fameuse question : est-ce qu’il ne serait pas parti pour être
homosexuel cet enfant-là ?
Les autres enfants
sont également beaucoup plus durs avec un garçon jugé trop féminin qu’avec une
fille « trop cool » qui joue au foot (bien qu’ils ne le traitent pas
directement d’inverti, ils se contentent de l’insulte « comme une
fille »).
Alors oui,
avoir deux garçons m’a fait réaliser combien le premier challenge est de les
aider à s’accepter eux-mêmes et à cultiver ce qu’ils sont, leur identité
propre, à se détacher des attentes de la société propres aux garçons. Les
rassurer quand les paroles des autres se font blessantes. Leur donner confiance
en ce qu’ils sont, leur apprendre à répondre aux provocations, leur donner des
armes pour se faire respecter. Je ne sais pas jusqu’où ils seront capables de
résister à la pression, mais je ferai mon maximum pour qu’il puisse, le plus
longtemps possible, pousser harmonieusement loin de la tentation du genre. Et
finalement, j’en suis persuadée, c’est ainsi qu’ils respecteront tout
naturellement les autres, indépendamment de leur sexe.
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